Le dernier colloque national « Eau et changement climatique, une journée, des solutions » a réuni scientifiques, élus et acteurs de l’eau, pour échanger et débattre autour de la question, plus que vitale, de l’adaptation au changement climatique. Avant tout, celle-ci doit être un projet territoire et une action partagée entre tous les acteurs concernés, avec la nécessité de faire percoler le débat scientifique chez les citoyens.
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L’eau est un enjeu vital, un défi climatique, avec une ressource qui, aujourd’hui, n’est plus garantie à chacun, d’où la nécessité d’une fiscalité écologique". Voilà ce qu’a rappelé lors de son intervention au colloque, François de Rugy, l'ancien Ministre de la Transition écologique et solidaire.
Une bombe thermique
L'urgence climatique est donc bien là, comme en ont témoigné tous les intervenants et participants à la journée, à l’image des présidents des sept comités de bassins métropolitains qui ont entamé la journée, mais aussi de Jean-Louis Etienne, médecin, explorateur et écrivain, grand témoin du colloque. Pour lui, « la Terre est atteinte d’une fébricule, une petite fièvre, avec une légère augmentation des températures, dont on commence à s’inquiéter seulement lorsque les symptômes apparaissent. Cette ‘légère’ dérégulation de la température dûe au changement climatique est en fait une véritable bombe thermique : lorsque 50 cm d’eau montent à une température de 27 °C, un cyclone se forme aussitôt, d’où la multiplication de ces évènements climatiques, par exemple, au niveau du Golfe du Mexique. Ainsi, en rejetant des quantités anormales de CO2 qui, rappelons-le, est un gaz rare (seulement 0,02 % de la composition de notre atmosphère) et un gaz ‘trace’ s’éliminant très lentement, nous avons modifié la machine climatique, caractérisée par une inertie colossale ».
L’urgence climatique
Le dernier « baromètre de l’opinion 2018 » des Agences de l’eau, du Ministère et de l’Agence française pour la biodiversité révèle que, désormais, le changement climatique est le sujet environnemental qui préoccupe le plus les Français (47 %, soit 9 points de plus qu’en 2011), le plaçant alors devant la biodiversité (45 %) et la qualité de l’eau potable (42 %). Suite au dernier rapport alarmant du GIEC (Groupe Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat), les consciences semblent donc enfin se réveiller.
Comme le souligne Martial Saddier, président du Comité de bassin Rhône-Méditerranée, « l’inertie de la machine climatique est telle que l’on doit se retrousser immédiatement les manches, avec un scénario qui prévoit d’ores et déjà + 1,5 °C d’ici 2050. L’autre scénario à + 2°C, qui se produira si l’on met du temps à agir sans coordination des échelles d’actions et des acteurs, engendrera des changements bien plus importants ‘que seulement 0,5 °C supplémentaire’, comme le pensent de nombreuses personnes. Ainsi, nous nous attaquons au plus grand défi climatique de l’histoire, dont nous mesurons déjà les effets sur nos territoires : dans les Alpes du Nord, nous avons déjà atteint une température moyenne annuelle de + 1,5 °C, à l’image de la Mer de glace dans la vallée de l’Arve qui recule à vue d’œil". Un autre problème de taille commence à se présenter dans les milieux montagnards, à l’instar de plusieurs villages d’altitude qui, l’été dernier, n’ont plus eu assez d’eau potable pour approvisionner les foyers, nécessitant alors l’intervention des pompiers équipés de citernes.
Face à ces constats, les présidents des 7 comités de bassin, qui correspondent aux 7 grands bassins hydrographiques français et qui réunissent différents acteurs publics et privés agissant dans le domaine de l’eau, ont rappelé la nécessité d’impliquer tous les acteurs de l’eau (pêcheurs, ostréiculteurs, agriculteurs, collectivités, syndicats de rivières, propriétaires privés, industriels…) afin de gérer la ressource en eau, celle-ci devant être regardée de façon transversale et patrimoniale. L’eau est en effet l’affaire de tous, en appartenant à la fois « à tout le monde et à personne », et il convient donc de renforcer la solidarité territoriale, notamment la solidarité amont/aval, et de mettre en place une coopération décentralisée pour gérer et préserver la ressource eau.
Des solutions locales pour un problème global
De nombreuses solutions ont été évoquées lors de cette journée afin de traiter « ce problème global à une échelle locale ». Comme l’ont rappelé plusieurs intervenants, il s’agit avant tout d’établir des propositions structurantes et localisées pour être adaptées à chaque contexte. Laurent Roy, directeur général de l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse précise que « sur les 500 000 000 € de budget annuel pour les 6 Agences de l’eau (soit 2,5 milliards d’€ sur 5 ans), 40 % vont être dédiés au changement climatique, en subventionnant des projets de territoire pour économiser la ressource en eau (détection fuites réseaux, irrigation, réutilisation des eaux traitées usées pour l'arrosage),
favoriser l’infiltration dans les nappes souterraines (fossé drainant, noue, bocage, surfaces vertes…) et avoir recours à des solutions techniques innovantes (déconnexion des eaux pluviales des réseaux d’assainissement, chaussées réservoirs, trottoirs drainants) et basées sur la nature » qui sont, soyez en sûrs, constituent les meilleurs bassins de stockage qu’il existe !
Dans tous les cas, il s’agit d’accélérer les mesures et de les associer les unes aux autres. Et le panel de solutions est large : reconquête des sols compactés, principe de sur-inondation, inondabilité des quartiers pour s'adapter au risque, cohérence entre l’installation d’une activité et la nature du sol en place, protection des lieux de captage, préservation des milieux naturels et des zones humides, stockage (à savoir qu’en France, on ne stocke que 4 à 5 % des eaux pluviales, contre 20 % en Espagne), installation de sondes tensiométriques reliées à des stations météo, obligations réglementaires dans les PLU à destination des promoteurs et autres aménageurs privés pour favoriser l’infiltration, recyclage des eaux usées, récupération des eaux de pluie dans des citernes ou des cuves, innovations agro-écologiques ou encore reconquête de la qualité de l’eau pour augmenter la disponibilité en eau potable...
Pour conclure, retenons, comme l’a dit Patricia Blanc, directrice générale de l’Agence de l’eau Seine-Normandie, « qu’il faut privilégier les solutions fondées sur la nature, qui utilisent la résilience des écosystèmes par la création, par exemple, de zones d’expansion des crues ou de zones humides pour favoriser l’infiltration, celles-ci coûtant d’ailleurs souvent moins chères !".